Lettre ouverte de Gadio à Macky
1 janvier 1970 by Logitrans0News
By Pape Matar Ndiaye Le 21 février 2016, Cheikh Tidiane Gadio avait adressé une lettre ouverte au Président Macky Sall sur l’inopportunité du référendum. Les raisons que le leader du Mpcl avait avancées sont liées, entre autres, à la promesse que Macky Sall avait faite aux Sénégalais de réduire son mandat de 7 à 5 ans, mais aussi aux deniers publics que ledit référendum allait engloutir. Cependant, l’ancien ministre des Affaires étrangères n’était pas suivi dans son argumentaire. Eh bien, les scandales financiers révélés par Ousmane Sonko semblent confirmer les craintes de Gadio. En effet, l’inspecteur des impôts et domaines a révélé, dans sa dernière conférence de presse, que 3 milliards ont été initialement annoncés par le gouvernement pour couvrir l’organisation du référendum. Mais 10 milliards de Fcfa ont finalement été dépensés. En tout état de cause, ces révélations fracassantes donnent l’occasion de relire la lettre ouverte de Gadio que Senenews.com vous propose intégralement.
Monsieur le Président,
Réunis en conclave dans la ville historique de Saint-Louis, sous la présidence du Docteur Cheikh Tidiane Gadio, les cadres du MPCL ont décidé de vous adresser une lettre ouverte suite à l’émotion créée dans le pays, en Afrique et dans le monde par votre volonté “d’exercer un mandat de sept ans” contrairement à votre annonce historique de 2012, maintes fois réitérée, de ramener ce mandat à cinq ans.
Au lieu d’une promesse électorale, il s’était agi pour vous d’un engagement fort et “consolidant” pour “l’exception démocratique sénégalaise”. Dès lors, cette décision n’était plus une affaire personnelle, ou celle d’un parti politique, ou celle de conseillers, mais bien une source de fierté et de valorisation du peuple sénégalais tout entier qui – comme vous le savez- tient jalousement à “son exceptionnelle exceptionnalité”!
Vous pouvez par conséquent imaginer la douche glaciale qui s’est déversée sur vos concitoyens et l’immense désarroi qui s’est emparé de votre peuple et de ses amis à travers le monde quand la nouvelle de la “renonciation” est tombée, replaçant immédiatement notre patrie dans l’ordinaire du pouvoirisme africain de triste réputation.
Étant resté jusque-là, bon an mal an et en dépit de tout, dans la “nébuleuse” Benno Bokk Yaakar, essentiellement par estime pour vous et aussi par respect pour le peuple sénégalais qui vous a souverainement confié les rênes du pays, le MPCL a estimé constructif et dans l’intérêt du pays et de l’Afrique d’éviter d’aiguiser la controverse en cours mais plutôt de s’adresser à vous en quatre points.
Estimant que la crise politique ouverte par la non-réduction du mandat résulte en grande partie d’un déficit sévère de concertation et d’une absence regrettable de démarche consensuelle, le MPCL vous suggère fortement de prendre de la hauteur et de procéder au report pur et simple du Référendum. Le geste en soi serait un acte fort de décrispation et de re-crédibilisation du processus des réformes institutionnelles et de révision constitutionnelle.
Ensuite, il permettrait de magnifier notre respect pour le “dimanche des rameaux” de notre communauté chrétienne à laquelle nous appartenons ou à laquelle nous sommes tous si attachés. Une nouvelle date plus raisonnable donnerait aussi une égale chance de battre campagne aux partisans du OUI et du NON comme à ceux du boycott. Enfin, ceci vous éviterait ce qu’un grand nombre de vos compatriotes considèrent comme un véritable “passage en force” inspiré -pensent- ils- par des perspectives électorales peu encourageantes pour 2017!
Deuxième option: si vous n’acceptez pas de suspendre le processus en cours et si vous maintenez la date du 20 mars, le MPCL vous propose d’éviter un référendum qui – avec la renonciation à la réduction du mandat en cours- a franchement perdu son sens et sa substance et dilapiderait inutilement de précieux deniers publics. Nous vous suggérons plutôt d’envoyer les réformes à l’Assemblée nationale puisque cette procédure est prévue par notre constitution. Des réformes définissant le “statut du Chef de l’opposition”, ou augmentant “le nombre des sages du Conseil constitutionnel” ne méritent vraiment pas d’engloutir des milliards de francs d’un pays qui a d’autres urgences. Quant au retour du quinquennat, gardons à l’esprit que vous ne pouvez pas poser au peuple une question dont vous connaissez la réponse puisque la seule fois que ce peuple a été consulté récemment (en 2001), il a répondu massivement OUI au quinquennat! Ainsi vous restaurez mais vous n’instaurez pas le quinquennat! On le sait, c’est votre prédécesseur qui avait utilisé sa majorité au parlement pour faire revenir par la fenêtre le septennat. Qu’on ne nous dise surtout pas que cette procédure n’était pas constitutionnelle à l’époque puisque c’est elle qui vous permet aujourd’hui d’exercer un mandat de sept ans que vos compatriotes en phase avec votre engagement vous invitent à ramener à cinq ans.
Une clarification de votre part de certains points qui ont concouru au malaise est aussi nécessaire pour rassurer l’opinion. Pourquoi taire, lors de votre dernier discours à la nation, si empreint de solennité, l’avis du Président de l’Assemblée? Les théoriciens de “l’avis contraignant” vous ont-ils expliqué comment gérer le cas de figure où le Conseil constitutionnel vous répond NON et le Président de l’Assemblée nationale émet un avis totalement contraire? Si le Conseil a remis une “décision” et non un “avis” à votre appréciation, pourquoi l’avoir fait sous pli fermé alors que vous les aviez saisis, pas à titre privé, mais au nom du peuple sénégalais et de sa charte fondamentale?
Si vous récusez aussi bien le principe du report du référendum que le principe de l’adoption des réformes par l’Assemblée nationale, le MPCL vous demande au moins d’inscrire, noir sur blanc, dans une disposition transitoire que le mandat en cours est pris en compte dans le décompte des deux mandats auxquels vous pouvez légalement aspirer. Au passage, nous exhortons tous nos compatriotes à éviter de battre campagne pour le “NON” puisque le succès du “NON” nous imposerait de facto deux mandats de sept ans quand un seul nous désole déjà tant et plus !
Au cas où le MPCL enregistrerait une fin de non-recevoir à ses propositions, il ne nous restera qu’une seule option: battre campagne activement pour le boycott afin qu’un fort taux d’abstention indique clairement le puissant désaveu du peuple aussi bien de la non-réduction du mandat en cours que de la tenue précipitée d’un référendum qui était si attendu et qui semblait si capital pour l’avenir de nos institutions!
Fait à saint louis le 21 février 2016
Dr. Cheikh T. Gadio, Président de IPS (Institute for Panafrican Strategies – Peace – Security – Gouvernance)