Transhumance ou mobilisation autour d’un idéal, par Alioune Diop
5 mai 2015 by Logitrans0News
By Mangoné KA Le Président SALL a suscité une clameur et des polémiques qui continuent à faire des vagues en faisant l’apologie de la transhumance. Il a semblé renier ses considérations antérieures et son mépris des rats est remplacé par la séduction. Ce revirement a provoqué la désapprobation de son prédécesseur et la plupart de ses alliés élèvent la voix ou manifestent des signes d’agacement. C’est pourquoi, on peut revenir sur l’analyse de ce phénomène car les enjeux doivent être importants pour que les leaders politiques puissent passer aisément de la répugnance à son contraire. Il faut, dés le début, admettre avec le Président SALL que la notion de « transhumance» qui définit au premier degré un fait relatif au bétail doit susciter une résistance et une aversion lorsqu’on doit la coller aux attitudes et aux comportements humains. Le phénomène privilégie la dimension animale de l’être sur les empreintes vertueuses de la saga du Sénégal et plus largement des sociétés humaines. Le Président SALL invite « les rats» qu’il dénonçait naguère à le rejoindre dans son parti et sa dynamique politique. Quelle est la part de ruse et de manipulation démagogique dans ses discours ? Que se passe-t-il pour que son discours d’aujourd’hui soit la négation de celui d’hier ? Se sentirait-il si faible pour recourir à ces pratiques largement décriées et qui n’avaient pas réussi à maintenir ses prédécesseurs au pouvoir ? Il est clair qu’il cherche à massifier son parti et à élargir son électorat qui s’est rétréci au regard des déceptions et des défections. Et, dans cette perspective, ses adjoints, amnésiques à ses discours antérieurs, lui construisent toutes sortes de justifications au parjure. Les vieux démons de la démagogie sont réactualisés. Dans la même veine, d’anciens inconditionnels du PDS et du Président WADE trouvent des raisons ou des prétextes pour se délier de leurs convictions et de leurs allégeances antérieures. Et, ils cachent très mal leur mauvaise conscience, en banalisant ce phénomène ou en le présentant comme un faux débat ou une simple méchanceté. Pourtant, les problèmes et les griefs qu’ils évoquent contre leurs amours d’un passé récent étaient bien manifestes pendant l’idylle ; pourquoi avaient-ils fermé les yeux ? Le phénomène décrit n’est pas anodin. Il participe à la structuration de la vie politique et sociale du Sénégal. Et, il n’est pas réductible aux trahisons, aux changements de postures et d’alliances qui ont rythmé le passé des sociétés humaines. Et du reste, s’il s’agissait de découvertes d’erreurs et de limites épistémologiques dans les « praxis» personne n’aurait à dire. Ce serait une marque d’humilité et de progrès. Dans la séquence historique actuelle, les migrations de l’opposition politique ou d’un parti dans la défaite vers l’alliance ou le parti au pouvoir sont pour l’essentiel motivées par la proposition ou la quête de protection, de privilèges et d’intérêts économiques. Par conséquent, elles ne fondent pas des valeurs pouvant porter des changements significatifs et profitables aux populations. De tels phénomènes sont inacceptables au moment où le Président appelle les citoyens à la discipline. D’ailleurs, il ne peut pas oublier que les présidents DIOUF et WADE avaient aussi ponctué leurs magistères par des appels répétés à la discipline. Or, le régime du Président DIOUF était caractérisé d’une part par le débauchage des cadres et membres du PDS pour se renforcer et affaiblir son adversaire de l’époque et d’autre part par l’intégration de ce parti dans un gouvernement de majorité présidentielle élargie. De la même manière, le Président WADE au pouvoir, a rendu la monnaie en puisant dans le parti qu’il venait de vaincre et, dans certains cas, il a exhibé ses proies de manière théâtrale. C’était une promotion des valeurs négatives. Ainsi, dans ces cas les étiquettes idéologiques n’ont pas empêché les changements de camp ou de parti. Dés lors, que représentent le socialisme du PS et le libéralisme du PDS ? Ainsi, en plus de la tendance des gouvernements à se maintenir au pouvoir et à procéder dans certaines situations par des combines, des combinaisons et d’autres artifices, s’impose à la réflexion le devoir d’interroger le contexte socio-historique dans lequel apparaît le phénomène qui nous préoccupe. Et d’abord, il convient de rappeler que l’avènement du Président DIOUF correspond aussi à la crise de la dette et aux politiques d’ajustement structurel. Or, celles-ci avaient poussé les institutions financières internationales à préconiser des alliances gouvernementales élargies afin que la stabilité politique puisse favoriser les paiements de la dette. C’est cela, qui a favorisé l’accord entre le PS et le PDS dans le gouvernement de majorité présidentielle de DIOUF. En plus, les partis qui se réclamaient de la gauche et du communisme ont trouvé toutes sortes de justificatifs pour tailler leurs places dans cette alliance gouvernementale. Mille prétextes étaient alors convoqués pour oublier les revendications et les thèses antérieures. Ainsi, le FMI était devenu incontournable pour les leaders de cette gauche. C’est pourquoi, il n’est pas erroné d’affirmer que, pour l’essentiel, les principales forces politiques du Sénégal s’entendent sur le consensus de Washington et la gouvernance par les injonctions du Fonds Monétaire International(FMI). Ainsi, avant l’avènement du Président WADE s’opère un nivellement théorique ou idéologique. Dés lors, les clivages s’estompent et l’idéal cède le pas aux intérêts individuels et claniques. Ainsi, les hommes politiques et les partis se contentent de prébendes et abdiquent devant les institutions financières internationales(IFI) et les oligarchies financières. C’est, par ailleurs, dans ce contexte que la plupart des programmes politiques deviennent des copies des préconisations des institutions financières internationales et les théories des stéréotypes des cultures européennes et américaines. Ainsi, les intérêts individuels, la quête de privilèges et les querelles crypto-personnelles prennent la place des idéaux et des vertus. Et, beaucoup de dirigeants et de membres de partis et de mouvements politiques abandonnent les considérations morales et éthiques. Ils changent de discours et de pavillon selon les intérêts du moment. Ils opèrent dans le registre de la démagogie. C’est pourquoi ils s’autorisent toutes sortes de compromissions dans la quête ou la conservation du pouvoir. C’est cela qui explique que le candidat Macky SALL ait pris des engagements avant de les renier après son élection. De la même façon, pour se rapprocher des avantages et des privilèges les détracteurs d’hier deviennent les amis du Président SALL. Evidemment, ces comportements prennent des formes différentes mais ils sont toujours guidés par les intérêts égoïstes. Il ne s’agit pas de citoyens mobilisés autour d’enjeux nationaux fortement partagés. Au total, la rage avec la quelle les protagonistes tentent d’illustrer ou de déconstruire l’attraction du pouvoir qui fonde la transhumance politique montre que les enjeux sont énormes. En effet, le pouvoir politique imprime dans une large mesure le rythme de la marche de la société sénégalaise. Le Président de la république occupe une place centrale dans la distribution des privilèges et des richesses de telle sorte que les politiciens affairistes et égoïstes s’acharnent toujours à graviter dans sa cour. Ainsi, ils sont prompts à changer de discours selon les intérêts. C’est cette tendance que le Président Sall est en train de favoriser .En plus, les cadres de l’opposition se forgent les prétextes pour le rejoindre. Dés lors, les citoyens ne gagneraient-ils pas à exiger une plus grande cohérence entre les paroles et les actes ? Alioune DIOP Président du CIMAC (Comité d’Initiative pour une Mobilisation Alternative et Citoyenne) badadiop@hotmail.com